Jardin romantique, jungle exotique ou espace familial : comment transformer son extérieur en un lieu qui nous ressemble ? Pierre Nessmann, expert en aménagement paysager, nous révèle les clés pour créer son jardin idéal, entre style personnel, gestion des contraintes et plaisir du quotidien.

En France, environ 75 % des foyers disposent d’un jardin. Comment percevez-vous le rapport des Français à leur extérieur ?

Qu’ils aient un petit ou un grand jardin, une terrasse ou un balcon, le rapport des Français avec l’extérieur est de plus en plus essentiel. Ils ont véritablement intégré l’extérieur à leur mode de vie, et ont la volonté d’exploiter au mieux l’espace à leur disposition : pour se détendre, prendre l’air tout en restant chez soi, mais aussi cultiver des fleurs, des aromatiques ou planter des arbustes. Cet intérêt est de plus en plus marqué depuis le début des années 2000, et a connu un boost supplémentaire pendant le Covid. Cela se traduit notamment par la demande de mobilier de jardin : cuisine extérieure, barbecue, salon de jardin… On voit un vrai engouement pour ce qui permet de vivre, de se reposer ou de manger à l’extérieur.  

 

Existe-t-il des archétypes de jardins ?

Il y a toujours eu des modèles de jardins. Dans les années 80, les jardins suivaient le style à la française. Ils étaient très structurés, organisés, avec des éléments taillés, des allées bien définies, des haies droites… Depuis le début des années 2000, ce modèle a évolué vers un style plus anglais, avec un peu plus de fantaisie. Les inspirations de style cottage, les fleurs plus sauvages : tous ces éléments offrent un rendu plus naturel et plus accueillant pour la biodiversité. On a vu aussi l’émergence du style exotique : le jardin est un moyen de s’évader, et pour certains, de se replonger dans une ambiance de vacances. Plantes exotiques, méditerranéennes, esprit jungle ou désertique avec des palmiers et cactées… Ces derniers styles reflètent aussi l’évolution de nos modes de jardinage : on jardine de manière plus libre et moins académique.

Le dérèglement climatique est l’une des grandes tendances qui modifient notre rapport au jardin, mais aussi les solutions que l’on peut y construire.
Pierre Nessman
paysagiste et rédacteur en chef adjoint de Rustica

 

Le jardin devient de plus en plus un prolongement de la maison. Comment créer un jardin à son image ?

Le jardin est un espace qu’il ne faut pas remplir, mais bien agencer, organiser. C’est un espace dans lequel il y a des usagers : des adultes qui reçoivent de la famille ou se détendent ou de jeunes enfants qui jouent, par exemple. Il faut prendre le temps d’observer son jardin : l’exposition, le type de sol, l’environnement, et réfléchir à l’aménagement souhaité. Est-ce qu’on veut un espace pour manger et cuisiner, pour faire jouer les enfants, ou plutôt créer une jungle où l’on privilégie la végétation ? Ensuite, il faut se poser la question du style : jardin romantique, exotique, très structuré ? C’est de cette réflexion que vont découler les choix de matières pour les revêtements du sol, les clôtures, le mobilier. On va par exemple avoir tendance à privilégier le bois pour un rendu rustique, le fer forgé pour un jardin plus classique. Viennent ensuite les choix de végétaux, encore une fois en fonction de ses affinités personnelles mais aussi de sa disponibilité à entretenir le jardin. Et enfin, les éléments de décoration : luminaires, bancs, tables et chaises… C’est souvent ce que l’on achète en premier, alors que dans l’idéal, cela devrait être la dernière étape !  

Y a-t-il des erreurs courantes à éviter lorsque l’on souhaite transformer son jardin en véritable espace de vie ?

La plus grosse erreur, et aussi la plus courante, est de voir trop grand. Planter beaucoup de végétaux coûte cher, et les entretenir prend beaucoup de temps. Il vaut mieux rajouter chaque année quelques mètres carrés de massifs en plus. Cela implique d’avoir une bonne vision d’ensemble du projet de jardin assez tôt, mais de le réaliser petit à petit. Une autre erreur commune est de négliger la saisonnalité et la météo. Si on ne va pas au jardin parce qu’il pleut, qu’on reporte sans cesse des entretiens, il y aura des conséquences sur le jardin. Par exemple, un arbuste taillé trop tard risque de ne pas fleurir. Il faut donc être conscient de ce qu’on est prêt ou non à faire au jardin et adapter son projet en conséquence. Enfin, la dernière erreur la plus courante est d’investir dans de la mauvaise qualité, qu’il s’agisse des matériaux de notre mobilier, qui est exposé aux intempéries, de la qualité des outils de jardin ou des plantes elles-mêmes.

Quelles seront selon vous les grandes tendances du jardin comme espace de vie dans les années à venir ?

Le dérèglement climatique est l’une des grandes tendances qui modifient notre rapport au jardin, mais aussi les solutions que l’on peut y construire. Il faut penser différemment, introduire des essences qui résistent mieux à la chaleur, estimer ses besoins en arrosage alors que nous sommes de plus en plus contraints par notre usage de l’eau. Sur une note plus positive, il y a également une tendance sur l’art de vivre au jardin. De plus en plus, l’extérieur est considéré comme un véritable espace de vie et d’expression. Et pour le faire vivre, il faut s’en emparer, y consacrer du temps, mais surtout créer un jardin qui nous convienne, convienne à notre mode de vie, pour que ce soit un plaisir d’y vivre !